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La mécanique d'Anticythere, synthese de la conférence d'Eric Zurcher (IPAAM)

La mécanique d'Anticythère et ses implications dans le cadre de l'astronomie antique

Par Eric Zurcher – IPAAM :



La mécanique d'Anticythère, ou "machine" d'Anticythère est actuellement conservée au musée d'Athènes.

La conférence d'Eric Zurcher est une synthèse de son travail de mémoire, lui-même ayant débouché sur une publication.



I. Introduction et Historiographie :

L’histoire de la mécanique d’Anticythère débute à Pâques 1900. Un équipage de pêcheurs d’éponges fuit un coup de vent et se déroute sur l’île d’Anticythère, située entre la Crête et le Péloponnèse.

Les plongeurs apnéistes consacrent quelques jours à chercher des éponges sur les rivages de l’île, le temps que la météo s’améliore. Ils découvrent alors une grande épave (près de 100 mètres de long !) par 40 mètres de fond.

Cette épave contenait notamment plusieurs statues de bronze creux (dont le fameux « éphèbe d’Anticythère), artefact archéologique extrêmement rare. De retour en Grèce, l’équipage déclare la découverte et le musée d’Athènes s’empresse d’envoyer une équipe.

La fouille est particulièrement longue et coûteuse. Plusieurs accidents ont lieu dont un mortel. Une statue de marbre représentant un cheval aurait été perdue durant sa remontée.

Aujourd’hui, au vu de la cargaison on suppose que le navire était romain, qu’il avait fait escale à Rhodes et qu’il venait des régions d’Asie mineure (peut-être de Pergame car on a retrouvé un lot de monnaies originaires de cette cité).

Le naufrage est daté de 85 avant J.C., soit durant les guerres de Mithridate.

Parmi la cargaison se trouve un objet particulier. Quand la gangue formée autour éclata on découvrit divers engrenages et mécanismes.

Ceci attira l’attention du conservateur du musée d’Athènes, qui rédigea le 1er article en supposant alors la découverte d’un astrolabe, puis l’objet fut oublié dans les réserves.

Il faut attendre 1955 pour qu’un universitaire anglais, Derek de Solla Price s’intéresse à l’objet (et y consacra le reste de sa vie).

En 58 puis 59 il publia 2 articles majeurs à partir d’une radiographie de la machine, qui livra une mécanique composée de 32 rouages.

Cette étude est la base de travail et de réflexion des recherches actuelles.

En 1980, internet permet d’intensifier la réflexion autour de l’objet.

4 reconstitutions sont réalisées.

En 2000 l’étude de la mécanique rassemble environ 150 personnes à travers plusieurs universités. Les champs d’application de l’étude rapportée à la mécanique d’Anticythère vont de l’histoire aux mathématiques en passant par l’astronomie, la géométrie, l’épigraphie…

Cette étude fut rendue possible grâce à la subvention par H.P. d’un scanner rayon X capable de montrer l’intérieur des boîtiers sans démontage et avec une précision remarquable.



II. Description :

La mécanique d’Anticythère se présente sous la forme d’un livre (plusieurs volets couvrants la boite de forme parallélépipède rectangle c’est à dire comme une boite à chaussure).

Protégée d’une couverture de bronze, la première « page » semble être une introduction à l’astronomie. Puis la 1ère partie du mécanisme serait un calendrier basé sur le système Egyptien (365 jours pour une année).

D’autres rouages et systèmes de rails à aiguilles indiqueraient les cycles lunaires, solaires, les éclipses, les vents.

La description de la machine nécessite de rappeler par quelles évolutions la diffusion du savoir matière d’astronomie a eu lieu en Grèce antique.


  • Dans un premier temps, vers le VI° siècle avant J.C. :

Apparition d’une vision astronomique où s’imbriquent les mathématiques, la géométrie, la logique… Ainsi se développe une vision du cosmos perçu comme « une machine avec des phénomènes qui se reproduisent à intervalle régulier » (cf. les « phénomènes » de Platon).

Ceci permet donc de prévoir et de calculer les phénomènes comme les éclipses et les constellations. Cette théorie est admise par tous dans le monde hellénistique à l’époque classique.

Toutefois les savants antiques notent que certaines données infimes (1%) ne correspondent pas au modèle proposé : le phénomène en contradiction avec la théorie admise est appelé « la sphère des fixes ». C’est la constatation que certains astres (planètes) ne tournent pas autour de la terre : « on les voit ralentir, s’arrêter et repartir dans l’autre sens ». On parle de « rétrogradation ». Ce phénomène pose problème aux savants grecs. Pour le résoudre, l’un deux, Aristarque de Samos (310-230 avant J.C.) propose pour la première fois le modèle héliocentrique.

Cette théorie provoque un débat entre les astronomes, qui réfutent l’hypothèse en justifiant que les parallaxes des autres astres ne sont pas visibles. (Bien sûr à l’époque les scientifiques ne disposaient pas de systèmes d’observation assez puissants. De plus les hommes n’avaient aucune notion des distances spatiales).

Apollonius de Pergé (262-190 avant J.C.) propose à son tour un nouveau modèle « épicycle » qui conserve la terre au centre du système solaire et explique la trajectoire particulière des planètes.

L’un des derniers astronomes grecs, Ptolémée synthétise ces théories et place définitivement la terre au centre du système solaire, théorie qui perdura jusqu’au XVème siècle.


  • Par la suite vers le V° :

Le calendrier grec est basé sur la « mécanique cosmologique ». Comme l’année est composée de 365 jours, pour pallier au ¼ de jour manquant un magistrat est spécialement affecté à intégrer parfois 1 mois supplémentaire à l’année. C’est un système « uni solaire ».

Puis le calendrier Egyptien est adopté. Cela permet à Méton de proposer une hypothèse basée sur un cycle de 235 mois synodiques lunaires (soit 19 années tropiques à quelques heures près !). Ce « cycle de Méton », proposé vers -432 serait l’une des bases de fonctionnement de la mécanique d’Anticythère.

Cette formule mathématique relativement complexe révolutionna le savoir astronomique grec et fut gravée sur l’Agora d’Athènes.



III. Technique, mécanique :

Les indices sont nombreux, pas les sources !
Pour les anciens, la "Mécanique" vient de la "technologie". Techné était l’une des épouses de Zeus.
Il-y-a 2 concepts en matière de mécanique :
  • L’ingéniosité mentale : c’est la réflexion qui permet d’élaborer un système, en projection mentale.
  • Le savoir-faire : l’art de matérialiser la réflexion mentale.

Pour les grecs le triomphe de la technologie est l’élément permettant d’affirmer l’homme au-dessus de la nature.

Les sources affirment qu’Archimède de Syracuse (287-212 avant J.C.) construit une mécanique complexe avec des mouvements : un planétarium. L’innovation réside dans un système de redistribution du mouvement appelé « différentiel ». Cette invention déterminante et plus ou moins oubliée dans l’histoire jusqu’à Léonard de Vinci fût incluse dans la mécanique d’Anticythère.

Rhodes était l’un des centres du savoir en méditerranée, avec Alexandrie et Pergame. Cette île indépendante était réputée pour son savoir-faire technologique (charpenterie navale, architecture) et scientifique (mathématiques, astronomie). Hipparque y avait calculé la vitesse de la lune en 180 avant J.C. Cette connaissance a été intégrée à la machine découverte à Anticythère.

Poseidonios (135-51 avant J.C.) a été le maître de Pompé et de Sicéron. Ces derniers auraient assistés à l’utilisation d’un planétarium automatisé.



IV. Conclusion :

En acquérant ce type de machine, tout aristocrate romain s'assurait une assise et une notoriété sociale exceptionnelle. Par conséquent il est possible que cette mécanique soit le produit d'une commande. Mais il semble plus probable qu’elle soit, au même titre que la cargaison, le butin d’un pillage après une victoire militaire.

A l’origine la machine pourrait venir de Syracuse. Son fabriquant serait alors un astronome de génie, entouré d'artisans expérimentés.

Au niveau de la machine, elle donnait la date, le mouvement du ciel mais aussi la direction des vents, leur intensité, leur période (on a longtemps assimilé certains vents à certaines phases lunaires). Enfin la machine était indexée suivant le calendrier olympique grec.


Le savoir et la science ne sont pas des domaines propres à nos siècles. La mécanique d’Anticythère le démontre : les hommes se sont rapidement posés des questionnements importants en matière d’astronomie notamment. Les civilisations qui nous ont précédées ont acquis un certain degré de savoir, avec des moyens limités. Si ce savoir n’est pas forcément quantifiable il est important de ne pas le sous-estimer puisque la mécanique d’Anticythère est un objet unique qui démontre l’étendue de la connaissance grecque en matière d’astronomie, de mathématique, de géométrie, d’artisanat et de raffinement culturel.

L’appareil actuellement étudié a livré de nouveaux textes qui devraient être publiés prochainement.

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